Mélanie Mermod, Catalogue 2001-2011 Soudain, déjà, ENSBA, 2012

Dans Cher Guy, des tables et chaises d’enfant sont consciencieusement alignées, comme à l’école et chez Sol Lewitt. Le plateau des tables à été remplacé par des plaques de plâtre blanches creusées jusqu’à former un trou énorme au centre. 

Deux typologies de formes coexistent de façon récurrente dans le travail de Sophie Dubosc. D’une part des objets fonctionnels –bottes en caoutchouc, vitres, ampoule, armoire d’usine–, et d’autre part des formes ou interventions minimales d’une apparente simplicité et constitués de matériaux modiques –plâtre, cendre, oeuf, chanvre, encre de chine. On peut à partir de cela imaginer un vocabulaire de formes déja articulé par l’arte povera et l’art minimal : le matériau nous parle, de fragilité, de naissance, de temps.

Si ce n’est qu’apparaîssent rapidement un bug hallucinatoire et un jeu de non-sens. L’utilisation de fragments (chaises, bottes, queues de cheval, draps) évoque un individu absent, rhétorique métonymique que l’on retrouve dans les tableaux de De Chirico, Dali ou Magritte. Ici ces traces d’existences sont souvent pauvres, décharnées, aveuglées ou entravées. Comme dans un cadavre exquis surréalistes, un dialogue entre ces fragments du monde réel et les formes minimales imaginées forment des histoires hallucinées. Dans Cher Guy, le grattage épisodique au compas de l’élève rêveur du fond de classe est remplacé par une voracité effrayante et collective. Ce n’est pas un individu marginalisé qui s’égare,  c’est une société entière qui cherche individuellement une voie de sortie.

Le titre de l’oeuvre devient un levier pour resserrer le choix les associations d’idées et ancre l’oeuvre où formellement il semblait impossible de la voir : dans le politique et l’actualité. Cher Guy devient réponse à la lettre d’adieu de Guy Mocquet mais également à la décision politique prise en France en 2007, de rendre obligatoire à la rentrée des classes la lecture des mots d’adieu de Guy Moquet à ses parents. En articulant un vocabulaire de formes anodines et minimales, dans une syntaxe à rébus proche des jeux surréalistes, Sophie Dubosc déplie invisiblement des problématiques dures et violentes, sur la question de la liberté individuelle et collective, la marginalisation des pensées révolutionnaires, des vestiges de la répression de masse (La Perla).